Eté 2018

Ce matin au réveil, le bout de ciel bleu surgissant au-dessus du Mont Temple nous paraît de bon augure, comme lorsque le Grand Chavalard se dégage en Valais, et nous pousse à prendre de la hauteur par la télécabine survolant les pistes de ski de la coupe du monde. Au sommet, pas de balades possibles pour les touristes confinés dans une cage aux barrières électrifiées maintenant la vie sauvage à distance. Un unique sentier conduit à la plateforme d’observation avec vue somptueuse sur Lake Louise. Tout le monde s’y retrouve pour les séances photo. C’est à cet endroit que nous prenons langue avec une mère et ses deux filles venues voir le relief montagneux qui leur manque au Québec.

Bien décidées à continuer la journée dans une tonalité vacances contemplatives, nous nous retrouvons, un peu plus tard, au milieu des milliers de personnes tentant d’accéder aux rives du lac Louise au ton de bleu irréel entouré de sommets imposants, un décor de carte postale pour tout un chacun. Nous nous posons sur un banc, le temps d’un pique-nique, dans un poste stratégique pour observer les promeneurs, nous immerger dans les langues du monde et, pour Nathalie, de dessiner le décor montagneux.

Lasses de nous reposer, nous poursuivons le chemin vers l’extrémité du lac où nous prenons plaisir à marcher sur le doux limon gris tout en nous amusant des positions alambiquées de certains touristes avides de mises en scène sophistiquées sur fond de paysage alpin.

Notre plan vacances tranquilles bascule lorsque nous recroisons la route des Québécoises illuminées de leur randonnée à la « Plain of Six Glaciers ». Exaltées par leur enthousiasme, nous décidons de nous lancer dans l’aventure en dépit de l’heure tardive.

Le cheminement s’effectue au début un peu trop dans la solitude car nous savons qu’une ourse et ses deux petits ont été signalés dans le secteur, Mais, peu à peu, nous sortons de la forêt et pouvons apercevoir, en fond de vallée, les parois rocheuses surmontées de la masse blanche du glacier Victoria. La pente de la moraine s’accentuant, nous peinons à soutenir une conversation censée signaler notre présence, aussi nous contentons-nous de quelques hop-hop-hop tonitruants en espérant que cela suffise.

Finalement, la répétition rassurante des rencontres d’êtres humains nous permet de nous concentrer sur l’essentiel : la beauté du paysage glaciaire et l’effort à fournir.

A force de ténacité nous atteignons un « tea-room » alpin dissimulé dans les bois, juste au moment où la pluie se met à tomber. Là, le dos appuyé contre le mur humide de la cabane de pierre, nous buvons du thé en dégustant des scones tout en écoutant les grosses gouttes qui, espérons-nous, ne vont pas rendre le terrain trop glissant à la descente.

Lorsque nous prenons le chemin du retour, la pluie s’est arrêtée. Le sentier se déroule sous nos pieds fatigués avec en toile de fond le décor somptueux du Lac Louise aux couleurs turquoises. Il nous reste quelques heures de marche pour apprécier la splendeur du paysage et finir de nous épuiser juste avant la nuit.