Le cube qui nous sert de voiture nous mène à faible allure à travers des villes que nous peinons à distinguer dans un habitat continu, avant de grimper par une route de montagne vers Koyasan, centre majeur du Bouddhisme Shingon depuis douze siècles.

Nous posons nos bagages dans un des très nombreux temples spécialisés aujourd’hui dans l’accueil touristique proposant logement, repas végétarien et prière pour un semblant de vie monastique couleur locale. Babouches aux pieds, sous la conduite d’un moine, nous longeons des couloirs conduisant aux bains et aux toilettes communes, puis finalement à notre chambre donnant sur une coursive s’ouvrant sur un étang. Si, à l’intérieur de la pièce, nos yeux émerveillés découvrent les peintures des cerisiers en fleurs ornant les parois coulissantes, notre nez se rebelle contre l’odeur de kérosène dégagé par le chauffage pourtant indispensable pour tempérer l’atmosphère, et nos jambes protestent rapidement contre ces positions au ras du sol auxquelles nous ne sommes pas vraiment habituées.

Pas le temps de nous attarder car, dans la salle à manger, le repas du soir, disposé sur de petits plateaux sur pieds, nous attend à 17h30 avec un festival de coupelles délicates garnies d’aliments colorés, artistiquement découpés, très séduisants à la vue. Assises ou agenouillées selon les crampes du moment, nous tentons de saisir avec nos baguettes les mets aux goûts, aux consistances et aux assemblages de saveurs étranges, défiant notre capacité d’ouverture gastronomique avec un succès quelque peu mitigé.

La nuit se révèle difficile entre la petite musique du poêle nous signalant chaque trois heures qu’il est temps de le rallumer, et les minces futons faisant sentir à notre corps qu’il est en vie et bien en os.

C’est donc pas vraiment fraîches qu’à 6h30 du matin nous prenons place avec les autres clients face à l’autel tout en dorures devant lequel un moine en tenue de cérémonie psalmodie un sutra d’une voix profonde et belle dans une pénombre que des centaines de lanternes peinent à dissiper. Au petit-déjeuner, nos jambes n’ont pas plus de facilité à se plier et notre estomac s’essaie vaillamment à avaler riz froid, pickles, algues et soupe miso. N’est pas moine qui veut !

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Si quelques touristes, appareil de photo en bandoulière, se baladent sur les sentiers de la vaste nécropole Okuno-in au milieu des cèdres du Japon surplombant près de 300’000 pierres tombales, de nombreux japonais déambulent en petits groupes à la recherche des sépultures de célèbres moines et samouraïs ou de gens ordinaires pour se recueillir ou y déposer des rameaux de pin en guise d’offrande.

La vue récurrente de statues au visage rond portant un bavoir et un bonnet tricoté main nous intrigue. La variété et la simplicité des accessoires utilisés, le soin apporté à les disposer presque tendrement nous touchent. Nous apprendrons qu’il s’agit d’un boddhisattva nommé Jizo chargé, selon la tradition bouddhiste, d’aider les âmes des enfants disparus.

L’après-midi, à Kongobu-ji, nous admirons le plus grand jardin de pierres du Japon. Pour visiter Nyonin-do réservé aux femmes, nous devons sortir des limites de Koyasan car, jusqu’en 1872, pas question de laisser ce genre s’approcher des temples. N’est décidément pas moine qui veut !

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