Eté 2019

Au bord de Pippin Lake, nous partageons notre cabine avec un lapin facétieux qui se réfugie dans le sous-bassement à la moindre alerte. Cet endroit stratégique se situe à la croisée des chemins, de Kennicott, notre prochaine étape, et de Valdez où nous nous rendons aujourd’hui.

Au bout de quelques kilomètres, nous sommes arrêtées par le panneau Stop brandi par une femme d’une soixantaine d’années à la casquette bien arrimée qui nous annonce une attente de 12 minutes et entame tout de suite la conversation comme si elle n’avait pas envie de perdre le moindre temps. Du haut de ses 16 ans passés en Alaska, elle nous explique toutes les curiosités à voir en route puis élargit son champ d’explications aux sites remarquables de cet état qu’elle a choisi comme lieu de résidence. Sa clarté pédagogique, son enthousiasme, son énergie rendent la brochure touristique tout à fait inutile et nous émeuvent. Finalement, lorsque le signal Slow remplace le Stop, nous le regrettons presque. C’est là que, derrière une voiture-pilote, commence une traversée de chantier ahurissante au milieu d’engins au gigantisme tout américain. Nous retrouvons la liberté de rouler juste au moment où la masse du glacier Worthington apparaît. Voilà le premier arrêt recommandé avec balade sur la moraine jusqu’à ses pieds. Nous reprenons la route en la jalonnant de quelques promenades avec vues dégagées sur les montagnes enneigées et sur le fond de la vallée.

A l’entrée de Valdez, nous nous dirigeons vers une curiosité locale attitrant de nombreux touristes, une écloserie à saumons. Comme nous avons « la chance » d’arriver à marée basse, nous sommes aux premières loges pour observer ce que les gens d’ici trouvent extraordinaire : une eau qui semble bouillir tellement les saumons s’agitent. Et là, triste spectacle, des saumons morts à profusion, des essaims de mouettes à l’attaque et, comme la rivière a été barrée, à l’exception de petites chicanes en béton, des saumons s’y précipitent pour remonter un courant d’eau sortant de la couveuse où ils sont nés il y a quelques années et où ils vont pouvoir frayer avant de mourir. Un peu dégoûtées du spectacle peu ragoutant et écœurées par l’odeur douceâtre des poissons en décomposition, nous faisons quelques pas le long de la mer face à la baie de Valdez. Soudain, un pygargue à tête blanche nous survole ramenant entre ses serres son repas, une mouette qu’il vient d’attraper. Nous nous serions bien passées d’une illustration aussi concrète de la chaîne alimentaire !

Nous nous rendons ensuite à Valdez qui vit autour de son port et du pétrole arrivant par un oléoduc posé sur pilotis partant du nord de l’Alaska. Décidément, nous avons souvent l’impression que les chantiers de ce pays ressemblent aux travaux d’Hercule.