Eté 2019

De Whitehorse à Skagway, la route paraît s’enrouler autour des montagnes, traverser des forêts et buter sur des lacs incitant à la balade ou alors sur des plans d’eau presque effrayants par leur couleur émeraude quasi artificielle. Nous nous étonnons de l’absence de circulation vers cette destination fréquentée par un million de touristes chaque année. Où sont-ils ?

Le long du lac Bennett la situation change, des minibus apparaissent à Carcross pour les visites guidées de ce lieu mythique où arrivèrent à la fin de l’hiver 40’000 des 100’000 prospecteurs partis de Skagway ou de la ville voisine de Dyea au début de l’hiver. Ces chiffres donnent une petite idée de la rudesse des montées, que ce soit par le chemin traditionnel de Chilkoot emprunté par les Indiens Tinglit pour leurs échanges commerciaux ou par la voie plus douce, mais plus longue et plus boueuse du Whitepass. Avant la fonte des glaces, ces aventuriers devaient encore construire les 7’000 bateaux qui allaient les amener, sur le fleuve Yukon, vers les espoirs d’or de Dawson City. On dit que seule une centaine d’entre eux firent fortune et que la fièvre jaune du Klondike s’éteignit l’année suivante.

Depuis lors, Skagway prend bien soin de cette histoire, restaure les bâtiments aujourd’hui souvent transformés en commerces de souvenirs et de produits locaux, ce qui engendre certainement plus de richesse que la ruée vers l’or de 1897-1898 !

Lorsque nous reprenons la route, le paysage traversé prend de la hauteur. Dans les lacs, les reflets des montagnes découpées ont remplacé ceux des arbres et les glaciers pointent à l’horizon. Sous le temps couvert, les couleurs se diffusent d’un espace à l’autre, semblent se diluer et provoquent une sensation d’infini. Seuls le rose profond des épilobes et le vert tendre des lichens nous ancrent au sol.

Voilà la deuxième ressource pécuniaire pour Skagway, la splendeur du paysage. Tout est bon pour y emmener les visiteurs : le petit train historique ou, pour les touristes en quête de sensations, des tours en moto, en vélo, en hélicoptère, à bicyclette ou en bateau. Ici, on sent que l’argent circule.

On peut aussi se promener dans les rues animées, emportées par la joie des habitants des immeubles de croisière heureux de débarquer dans cette ville charmante, déguster une bonne bière à la brasserie du coin, longer la côte à travers des forêts sombres débouchant sur de petites criques claires où des gens s’amusent à faire des ricochets ou à sauter devant un téléphone portable. Nous avons eu un moment d’émotion en regardant les saumons frayer sur le fond sablonneux de l’embouchure de la rivière Taiya dans un décor de fond de vallée qui nous a fait penser à nos excursions sur le sentier des ours à Uyak Bay avec nos guides Brigid et Harry. Si nous n’avons pas aperçu d’ours, nous avons observé au loin un couple de pygargues à tête blanche surveiller les premiers vols du petit.