Le musée d’art Mori se niche au 53e étage d’une tour offrant une vue vertigineuse sur un Tokyo sans limite. À l’entrée de l’exposition My Body, Your Voice, nous avons le souffle coupé par la photographie de Katayama Mari présentant dans une pose sophistiquée son corps mutilé par l’amputation de ses jambes à l’âge de neuf ans. Ses œuvres confrontent le spectateur à l’état du corps dans lequel elle vit, tout en l’empêchant de s’apitoyer grâce au luxe des décors et à l’harmonie des mises en scène. La présence sur des divans de poupées mannequins blessées ou désarticulées fait en sorte que, tout à coup, le visiteur se sent aux côtés de l’artiste pour regarder ce qu’elle dit de ses émotions en les extériorisant ainsi.

Nous sommes intriguées par les grandes toiles de Matsukawa Tomona traitant de thèmes très différents de manière toujours hyperréaliste. La démarche originale de cette artiste commence par des entretiens avec des femmes travaillant dans les quartiers chauds de Tokyo qui aboutissent, après l’accord de l’intéressée, à une prise de photographie s’approchant au mieux des émotions du récit de cette dernière. Finalement, à partir de ce cliché, l’œuvre se matérialise sous la forme d’une peinture à l’huile qui, même si elle ne dit rien de l’histoire à son origine, raconte au delà des mots quelque chose d’émouvant.

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Au musée national de l’art occidental, nous nous apprêtions à nous laisser séduire par l’architecture de Le Corbusier comme nous l’avions été à la chapelle de Ronchamp. Hélas, si le choix du clair-obscur s’harmonise bien avec la présence divine, il ne contribue pas vraiment à la mise en valeur des toiles exposées. Nous nous sommes consolées avec Le garçon dans les fleurs de Manet et Un vase de fleurs de Bonnard.

En contraste, l’architecte Tadao Ando utilise subtilement les sources de lumière pour éclairer le 21_21 Design Sight et ses salles en sous-sol, laissant en surface un bâtiment à deux ailes si aérien qu’il semble prêt au décollage lorsque nous le voyons apparaître au détour d’une allée du jardin de Tokyo Midtown. Nous y visitons une exposition consacrée au zakka, notion japonaise qui recouvre le concept d’objets de la vie quotidienne qui acquièrent, selon les influences de la mode ou l’investissement de leur propriétaire, une valeur particulière transcendant leur utilité. Ce zakka, présenté par groupes selon une libre sélection de designers japonais, constitue un spectacle de nature à éveiller notre curiosité et à nous faire réfléchir sur les motivations de nos choix d’objets.

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Juste à côté, dans le centre national des Arts de Tokyo, se tient une rétrospective consacrée à l’œuvre de Issey Miyake dont nous ne connaissions que les vêtements plissés. Un monde surprenant s’ouvre à nous lorsque nous prenons conscience que la texture des tissus, les méthodes techniques élaborées de pliage, les mathématiques et même la modélisation numérique se combinent pour créer des habits respectueux de l’environnement, faciles à confectionner, à porter et à ranger. Cette série de vêtements inspirée de l’origami se nomme 132 5 Issey Miyake, 1 pour la pièce unique de tissu qui les constitue, 3 parce que c’est dans l’espace qu’ils se développent lorsqu’ils sont portés, 2 parce qu’ils se replient en surface plane intégrant la ligne de coupe et 5 pour la dimension dans laquelle est projetée la personne qui les porte. Nathalie est aux anges dans ce monde de topologie et de géométrie qui lui rappelle ses années de recherche.

Encore sous influence, nous passons la fin de l’après-midi assises sur un banc à observer l’habillement des gens qui défilent. Nous nous étonnons de la variété des styles portés qui multiplient les courants de la mode presqu’à l’infini dans une fantaisie respectant la qualité du tissu et des coupes, même lorsqu’il s’agit de vêtements pour chiens.

En cuisine aussi, l’esthétique représente une composante essentielle. Ainsi, à l’achat de la dernière pâtisserie en forme de lapin, la vendeuse nous prie de la couper avant de la manger car l’intérieur est beau, nous dit-elle. Cela résume toute la nature des pâtisseries japonaises : goûts subtils et beauté cachée.

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