Décembre 2018

A travers le hublot, la vue surréaliste d’une lueur rouge sang immergée dans les brumes crée l’impression inquiétante d’une catastrophe imminente d’origine incertaine. Au bout d’un moment, trop long à notre goût, un lever de soleil normal au-dessus de la mer du Japon vient nous rassurer.

A peine débarquées, la vie ordinaire et ses règles inconnues se rappellent à nous lorsque qu’un employé à la casquette sévère nous replace d’un doigt autoritaire entre les deux lignes blanches tracées sur le sol du quai de gare. Pendant une heure, le train traverse une zone piquetée de petits immeubles uniformes, laissant comme seuls points de repères des gares ponctuant le paysage et donnant l’occasion au contrôleur de saluer les voyageurs d’une courbette rituelle à chaque entrée et sortie de wagon. Soudain, le vert s’impose, les collines ondulent, Kyoto est proche.

Valises déposées, nous rendons visite à la gare-cathédrale parée, pour Noël, d’un sapin flottant au-dessus du hall central et montons les rampes jusqu’au toit-jardin incongru au-dessus de la ville. Finalement, nous nous attablons devant un bol de riz surmonté d’une tempura de crevettes accompagné d’une soupe miso et de « roasted tea » au milieu de la clientèle éclectique d’un petit estaminet tranquille des galeries marchandes.

Nous comptons sur une balade dans le marché aux puces du temple Toji pour lutter contre les vapeurs du décalage horaire et pour dégoter un dessert qu’un marchand de « Taiyaki » va nous fournir. Nous dégustons la « gaufre » chaude fourrée à la pâte de haricots rouges en songeant aux personnages émouvants du film « Les délices de Tokyo ». Notre repas ainsi conclu, nous suivons le mouvement des badauds déambulant parmi les stands de tissus, de poteries anciennes et d’aliments parfois identifiables. Nous regardons les gens commenter le motif d’une coupe à thé, débattre avec des artisans des détails d’une broche en tissu, du grain du bois de petits animaux sculptés ou s’enquérir de la qualité des légumes ou fruits proposés. Nous prenons plaisir à déambuler au milieu de cette foule de personnes attentives à choisir un bel objet sans omettre une courte dévotion au passage, nous nous trouvons dans l’enceinte d’un temple après tout !

L’heure décente du coucher approchant, nous rentrons à l’hôtel et, à 18h15, nous nous effondrons sur notre première journée à Kyoto.

Au petit matin, sur la place centrale de la gare, nous attendons le bus 5 qui va nous amener vers les allées couvertes du marché Nishiki, ce haut lieu culinaire, premier lieu de notre pèlerinage. Nous y déambulons dans les odeurs de poissons, d’épices, de saumure, de fritures et de pâtisseries, nous arrêtant pour observer, déguster, acheter. En chemin, nous essayerons toutes sortes d’épices, des haricots de soja torréfiés aux arômes de chocolat, wasabi et yuzu, des châtaignes grillées géantes, du riz couvert d’épices, des soupes. Nous admirons le soin que les clients mettent à sélectionner des produits que nous trouvons étranges et dont l’utilisation future en cuisine nous intrigue. Finalement nous nous régalons d’une spécialité du sud, une goûteuse omelette aux choux qui a tendance à fuir nos baguettes !

Le temps pluvieux nous pousse à continuer dans les galeries où petits commerces et temples se côtoient. Nous consacrons beaucoup de temps aux achats de matériel de papeterie si raffiné ici et de « roasted tea » que nous aimons tant.

Le temps se levant en fin d’après-midi, nous parcourons le chemin très touristique des petites ruelles parsemées de temples et bordées de boutiques à souvenirs typiques qui mènent au temple du Dragon Bleu. Là-haut sur la colline, nous tentons de nous faufiler au milieu des touristes en pleine poses « selfies » pour atteindre le bord de l’esplanade et contempler la vue sur la ville dans la lumière du soleil couchant.

La nuit tombée, nous retrouvons l’ambiance Noël de la gare, attraction phare pour les familles dont la circulation fluide est assurée par des agents de chemin de fer dans l’ambiance appropriée des airs exotiques Merry Christmas et Petit Papa Noël.